Composition de l’organe chargé de lutte contre la corruption : Des dés pipés pour le combat anti-corruption
Composition de l’organe chargé de lutte contre la corruption :Des dés pipés pour le combat anti-corruption
Beaucoup s’exclament et s’exclameront à l’annonce de la nouvelle du vote de loi portant lutte contre la corruption et autres infractions connexes en République du Bénin. Seulement l’enthousiasme s’estompe très vite lorsqu’on s’aperçoit de la composition et du fonctionnement de l’organe principal chargé de mettre en application cette nouvelle loi votée. Tout laisse croire en effet qu’en cas de fait de corruption ou autres infractions connexes, le sommet du pouvoir en place aujourd’hui et demain n’aura rien à craindre et pour cause….
S’il est bien mentionné dans la loi votée ce mardi 30 août à l’aube, que l’Autorité nationale de lutte contre la corruption jouit d’une réelle autonomie par rapport aux institutions de la République et qu’il lui est accordé à une indépendance nécessaire pour lui permettre d’exercer efficacement ses fonctions à l’abri de toute influence indue, que le gouvernement fixe par décret, le Règlement financier de l’Autorité Nationale de lutte contre la corruption. Il clairement précisé hélas que cet organe est placé sous tutelle du président de la République. C’est la première facette pipée du dé.
L’autre raison qui fait douter de l’efficience de l’Autorité nationale de lutte contre la corruption est sa composition. Il est dit : « … L’organe ainsi créé est dénommé Autorité Nationale de Lutte contre la Corruption et est composée de (13) membres à raison de :
-Un (1) Inspecteur d’Etat désigné par l’Inspection général d’Etat ;
-Un (1) Communicateur désigné par la HAAC
-Un (1) Sociologue désigné dans le corps professoral universitaire par ses pairs
-Un (1) Inspecteur des banques désigné par l’association des professionnels de banques et établissements financiers
-Un (1) Magistrat ayant au moins quinze ans d’ancienneté désigné par ses pairs
-Un (1) Expert Comptable désigné par ses pairs de l’Ordre national des comptables
- Un (1) Administrateur des impôts désigné par l’Exécutif
-Un (1) Inspecteur des douanes désigné par l’Exécutif
-Un Spécialiste en passation de marché public désigné par l’Exécutif
- Deux (02) officiers de police judiciaire: un (01) agent de la gendarmerie et un (01) agent de la police.
-Un (1) Représentant du patronat désigné par ses pairs
-Un (1) Représentant de la société civile intervenant dans la lutte contre la corruption…. ».
S’il est clairement mentionné que l’Exécutif désigne cinq (5) des treize (13) membres de l’Autorité nationale de lutte contre la corruption, il va s’en dire que l’Inspecteur d’Etat désigné par l’Inspection général d’Etat est pour le compte de l’Exécutif qui ne croisera pas les bras dans la désignation des autres membres. C’est donc peu dire que d’affirmer que l’Exécutif donc le pouvoir en place contrôlera l’organe de lutte contre la corruption parce les hommes du pouvoir y seront les plus nombreux.
Tertio, lorsqu’on lit dans le texte de loi voté par les députés de la 6ème Législature que le mandat des membres de cet organe est de (3) ans renouvelable une fois, il est bien à craindre que par souci de se maintenir, des membres ne biaisent leur mission en faveur justement de celui et/ou ceux qui a/ont le pouvoir de les maintenir ou non.
Par ailleurs enfin de mieux apprécier les grosses chaînes qui entravent le bon fonctionnement de l’organe et qui font penser à des dés pipés, rappelons que le texte de loi prescrit que c’est le gouvernement qui fixe par décret, le Règlement financier de l’Autorité Nationale de lutte contre la corruption et que son budget est intégré au budget général de l'Etat.
Toutes choses égales par ailleurs, on ne peut conclure qu’à des pipés pour lutter contre la corruption car l’Autorité nationale de lutte contre la corruption a tout l’air d’un machin, un épouvantail aux services et ordres du pouvoir en place.
Francis Z. OKOYA