La Cour demande une recomposition des commissions permanentes du Parlement

Publié le par OKOYA Francis

DECISION DCC 11 047 du 21 juillet 2011

La Cour demande une recomposition des commissions permanentes du Parlement

 

Saisies de plusieurs requêtes contre la formation du Bureau de l’Assemblée nationale 6ème Législature, les bureaux des commissions permanentes et la composition de ces dernières, la Cour Constitutionnelle a rendu sa décision Dcc 11 047 le 21 juillet 2011 dernier.

Voici un extrait qui résume le contenu de ladite décision

 

Francis Z. OKOYA

DECISION DCC 11 047

DU 21 JUILLET 2011

 

 

 La Cour Constitutionnelle,

Saisie des requêtes du :

- 21 mai 2011 enregistrée à son Secrétariat le 23 mai 2011 sous le numéro 1337/058/REC, par laquelle Monsieur Yénoukoumè HOSSOU forme devant la Haute Juridiction un « recours en inconstitutionnalité du Bureau de l’Assemblée Nationale » ;

 

- 23 mai 2011 enregistrée à son Secrétariat le 27 mai 2011 sous le numéro 1369/060/REC, par laquelle Monsieur Kolawolé IDJI, député à l’Assemblée Nationale, forme devant la Haute Juridiction un « recours en inconstitutionnalité du Bureau de l’Assemblée Nationale de la 6ème législature issu des élections du 21 mai 2011 pour violation de la Constitution» ;

 

- 06 juin 2011 enregistrée à son Secrétariat le 08 juin 2011 sous le numéro 1437/064/REC, par laquelle Monsieur Eric HOUNDETE, député à l’Assemblée Nationale, introduit un recours identique ;

 

- 15 juin 2011 enregistrée à son Secrétariat à la même date sous le numéro 1480/066/REC, par laquelle Monsieur Charles C. AGNONVI forme devant la Haute Juridiction un « recours en inconstitutionnalité du Bureau de l’Assemblée Nationale et de la Présidence des Commissions » ;

 

- 27 juin 2011 enregistrée à son Secrétariat le 1er juillet 2011 sous le numéro 1581/076/REC, par laquelle Monsieur Eric HOUNDETE introduit un « recours en inconstitutionnalité

des élections des membres des Bureaux des Commissions de l’Assemblée Nationale » ;

 

 

 

ANALYSE DES RECOURS

Considérant qu’aux termes de l’article 114 de la Constitution « La Cour Constitutionnelle … est l’organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs publics. » ;

En ce qui concerne l’élection du Président

et du Bureau de l’Assemblée Nationale

Considérant que les articles 82 alinéa 1 et 124 alinéas 2 et 3 de la Constitution disposent respectivement :

Article 82 alinéa 1 « L’Assemblée Nationale est dirigée par un Président assisté d’un bureau. Ils sont élus pour la durée de la législature dans les conditions fixées par le Règlement Intérieur de ladite Assemblée. » ;

Article 124 alinéas 2 et 3 : « Les décisions de la Cour Constitu- tionnelle ne sont susceptibles d’aucun recours.

Elles s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités civiles, militaires et juridictionnelles. » ;

Considérant que l’article 15 du Règlement Intérieur de l’Assem-blée Nationale énonce :

Article 15- 1a : « Le président de l’Assemblée Nationale est élu au scrutin uninominal, secret et à la tribune … » ;

Article 15-2 a : « Les autres membres du Bureau sont élus poste par poste,

Article 15-2b : « L’élection des deux vice-présidents, des deux questeurs et des deux secrétaires parlementaires a lieu en s’efforçant autant que possible de reproduire au sein du bureau la configuration politique de l’Assemblée.» ;

Article 15-3. : « Les candidatures aux différents postes sont reçues par le Président de séance au plus tard une (1) heure avant l’ouverture du scrutin. Il les communique immédiatement à l’Assemblée.

Les retraits, transferts et permutations de candidatures déposées sont autorisés jusqu’à l’ouverture de chaque scrutin. » ;

Considérant que les dispositions précitées doivent être interprétées à la lumière de, d’une part, la Décision DCC 09-002 du 08 janvier 2009, d’autre part, la Loi n° 2001-36 du 14 octobre 2002 portant Statut de l’opposition ; que la Décision DCC 09-002 précise : « Le choix des députés appelés à représenter l’Assemblée Nationale en tant que Corps, à animer ses organes de gestion ou à siéger au sein d’autres institutions de l’Etat, doit se faire selon le principe à valeur constitutionnelle de la représentation proportionnelle majorité/minorité. » ; que les articles 2, 6, 2ème et 4ème tirets et 7 de la Loi n° 2001-36 du 14 octobre 2002 prescrivent :

Article 2 : « L’opposition est constituée de l’ensemble des partis, alliances de partis ou groupes de partis politiques qui, dans le cadre juridique existant, ont choisi de professer pour l’essentiel, des opinions différentes de celles du Gouvernement en place et de donner une expression concrète à leurs idées dans la perspective d’une alternative démocratique. » ;

Article 6 : « Pour être un parti de l’opposition, il faut :

-

- faire une déclaration officielle et publique de son appartenance à l’opposition et la faire enregistrer au ministère chargé de l’intérieur. Ce dernier transmet, dans un délai de deux (02) mois au plus tard, l’enregistrement au journal officiel pour publication ; la publication au journal officiel peut aussi se faire à la diligence du parti politique concerné ;

 

- ne pas accepter un poste politique à un niveau quelconque du pouvoir exécutif. » ;

Article 7 : « Est considéré comme l’un des chefs de l’opposition, tout chef d’un parti politique de l’opposition dont le nombre de députés à l’Assemblée Nationale constitue de façon autonome un groupe parlementaire.

Est également considéré comme l’un des chefs de l’opposition, tout chef d’un groupe de parti de l’opposition constitué en groupe parlementaire à l’Assemblée Nationale.

Est enfin considéré comme l’un des chefs de l’opposition, tout chef de parti, alliance de partis ou groupe de partis de l’opposition représentés ou non à l’Assemblée Nationale mais ayant totalisé à l’issue des dernières élections législatives, 10% des suffrages exprimés.

Les chefs de l’opposition choisissent en leur sein un porte-parole. » ;

Considérant que les résultats provenant des élections législatives ne donnent qu’une appréhension incertaine de majorité et de minorité en ce que l’expérience béninoise révèle que le démarrage de toute législature nouvellement élue s’effectue sur du sable mouvant provoquant une recomposition constante de la majorité au sein du Parlement ; que ce fait est explicitement reconnu par l’un des requérants, Monsieur Eric HOUNDETE, qui dénonce une « … transhumance inique des députés en cours d’exécution » ; que dans ces conditions, la proportionnalité à mettre en oeuvre ne peut être qu’une proportionnalité in casu ; qu’en outre, la notion majorité/minorité doit être éclairée de son côté par la summa diviso mouvance/opposition, c’est-à-dire dégager explicitement la tendance qui soutient le pouvoir exécutif et la tendance qui constitue l’opposition ; qu’en raison de la juridicisation de la vie politique dans les démocraties modernes, tant que la loi portant statut de l’opposition n’aura pas reçu corps dans la classe politique, la mise en oeuvre des principes énoncés par la Décision DCC 09-002 du 08 janvier 2009 se suffit en l’état de l’application de l’article 15-2b du Règlement Intérieur de l’Assemblée Nationale ;

Considérant qu’il découle des dispositions précitées que seul l’article 15.2b relatif à l’élection des autres membres du Bureau de l’Assemblée Nationale fait référence à la configuration politique ; qu’ainsi, l’article 15.a n’indiquant aucune prescription, ni réserve par rapport à l’élection intervenue le vendredi 20 mai 2011 est conforme à la Constitution ;

Considérant que par ailleurs, l’article 15 du Règlement Intérieur de l’Assemblée Nationale définit les conditions de mise en oeuvre de l’article 82 précité de la Constitution ; que ce faisant, il participe du bloc de constitutionnalité ;

Considérant que suite à la proclamation le 09 mai 2011 des résultats des élections législatives du 30 avril 2011, la configuration politique de l’Assemblée Nationale se présente comme suit :

Liste FCBE : 41

Liste UN : 30

Liste Alliance AMANA : 02

Liste Alliance G13 BAOBAB : 02

Liste Union pour le Bénin (UB) : 02

Liste Alliance Force dans l’Unité (AFU) : 02

Liste Alliance Cauris 2 : 02

Liste Union Pour la Relève-Force Espoir : 02 ;

(UPR-FE)

Considérant que dans le cas d’espèce, le Bureau de l’Assemblée Nationale issu des élections du 21 mai 2011 est composé des Députés émanant des listes FCBE, UN, AFU et CAURIS 2 ; que cette composition reflète autant que possible la configuration politique de l’Assemblée Nationale ; que, dès lors, il échet de dire et juger que le Bureau de l’Assemblée Nationale élu le 21 mai 2011 est conforme à la Constitution ;

En ce qui concerne l’élection des Bureaux des Commissions Permanentes de l’Assemblée Nationale

Considérant que selon l’article 33 du Règlement Intérieur de l’Assemblée Nationale : « Chaque commission, après sa constitu-tion, est convoquée par le Président de l’Assemblée Nationale à l’effet d’élire en son sein son bureau composé de :

- un Président

- un Vice-Président

- un premier Rapporteur

- un deuxième Rapporteur

- un Secrétaire.

 

L’élection a lieu conformément aux dispositions de l’article 15 ci-dessus. » ; qu’il résulte des dispositions précitées que l’élection des Présidents de Commissions se fait conformément à l’article 15.a, c’est-à-dire de façon libre ; que, dès lors, il en découle que l’élection des Présidents de Commissions intervenue le jeudi 09 juin 2011 n’est pas contraire à la Constitution ;

Considérant qu’en revanche, les autres membres des Bureaux de chacune des cinq Commissions doivent être élus en s’efforçant autant que possible de reproduire la configuration politique de l’Assemblée Nationale ;

Considérant qu’il ressort des éléments du dossier que les Bureaux des Commissions Permanentes issus des élections du jeudi 09 juin 2011 se présentent comme suit :

 

 

 

 

 

COMMISSION DES LOIS, DE L’ADMINISTRATION ET DES DROITS DE L’HOMME

 

 

 

 

 

 

Numéro d’Ordre

 

 

 

 

 

 

Nom et Prénoms

 

 

 

 

 

 

Poste

 

 

 

 

 

 

Liste

 

1

Hélène KEKE AHOLOU

Présidente

FCBE

 

2

Lafia SACCA

Vice-président

FCBE

 

3

Samari BANI

Premier Rapporteur

AFU

 

4

Zéphirin KINDJANHOUNDE

Deuxième Rapporteur

FCBE

 

5

Secrétaire

Poste à pourvoir

 

 

 

COMMISSION DES FINANCES ET DES ECHANGES

 

 

 

 

 

 

 

Numéro d’Ordre

 

 

 

 

 

 

 

Nom et Prénoms

 

 

 

 

 

 

 

Poste

 

 

 

 

 

 

 

Liste

1

Grégoire LAOUROU

Président

FCBE

2

Moumouni ADAM BAGRI

Vice-président

FCBE

3

Bado GOBI

Premier Rapporteur

FCBE

4

Gilbert BAGANA

Deuxième Rapporteur

FCBE

5

Secrétaire

Poste à pouvoir

 

 

 

COMMISSION DU PLAN, DE L’EQUIPEMENT ET DE LA PRODUCTION

 

 

 

 

 

 

Numéro d’Ordre

 

 

 

 

 

 

Nom et Prénoms

 

 

 

 

 

 

Poste

 

 

 

 

 

 

Liste

1

Karimou CHABI-SIKA

Président

FCBE

2

Soulé Sabi MOUSSA

Vice-président

FCBE

3

Gaston G. YOROU

Premier Rapporteur

FCBE

4

Deke OROU GONROUDOBOU

Deuxième Rapporteur

FCBE

5

Francis Franck LOKO

Secrétaire

UN

 

 

COMMISSION DE L’EDUCATION, DE LA CULTURE, DE L’EMPLOI ET DES AFFAIRES SOCIALES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Numéro d’Ordre

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Nom et Prénoms

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Poste

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Liste

1

Epiphane QUENUN

Président

UN

2

El Hadj Azizou ISSA

Vice-président

FCBE

3

Moussou MONHOUSSOU

Premier Rapporteur

FCBE

4

Michel DANGNON

Deuxième Rapporteur

FCBE

5

Secrétaire

Poste à pouvoir

 

 

 

 

COMMISSION DES RELATIONS EXTERIEURES, DE LA COOPERATION AU DEVELOPPEMENT, DE LA DEFENSE ET DE LA SECURITE

 

 

Numéro          Nom et Prénoms                                     Poste                           Liste

d’Ordre                                  

 

1                                    Isidore GNONLONFOUN               Président                        FCBE

2                                    Guéné OROU SE                           Vice-président                 FCBE

3                                    Zimé GOUNOU KORA   Premier    Rapporteur                       FCBE

4                                    Boni Gansé BIO KANSI               Deuxième Rapporteur        AMANA

5                                                                                           Secrétaire        Poste à pouvoir

 

 

 

Considérant qu’il résulte de la configuration des Bureaux des Commissions Permanentes telle que présentée par les tableaux ci-dessus que les élections des quatre autres membres desdits Bureaux ne reflètent pas la configuration politique de l’Assemblée Nationale ; que dès lors, il échet pour la Cour de dire et juger que ces élections sont contraires à la Constitution et doivent être reprises sans délai selon le principe à valeur constitutionnelle de représentation proportionnelle majorité/minorité ;

Considérant que par ailleurs, la garantie des droits de la minorité dans une démocratie pluraliste ne se réduit pas à la représentation proportionnelle majorité/minorité dans les organes de gestion de l’Assemblée Nationale ou de la représentation du Parlement dans les autres Institutions de l’Etat ; qu’ elle implique aussi et surtout la mise en oeuvre du statut de l’opposition tel que défini par la Loi n° 2001-36 du 14 octobre 2002 et le Décret n° 2008-649 du 20 novembre 2008 portant modalités d’application de la Loi n° 2001-36 du 14 octobre 2002 portant Statut de l’Opposition ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède, qu’il échet de dire et juger et sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens allégués par les requérants que l’élection du Président et du Bureau de l’Assemblée Nationale est conforme à la Constitution ; que l’élection des Présidents des Commissions Permanentes de l’Assemblée Nationale est conforme à la Constitution ; que l’élection des autres membres des Bureaux desdites Commissions est contraire à la Constitution ;

D E C I D E :

Article 1er : L’élection du Président et du Bureau de l’Assemblée Nationale est conforme à la Constitution.

Article 2 : L’élection des Présidents des Commissions Permanentes de l’Assemblée Nationale est conforme à la Constitution.

Article 3 : L’élection des autres membres des Bureaux des Commissions Permanentes de l’Assemblée Nationale est contraire à la Constitution. Ladite élection doit être reprise sans délai.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Messieurs Yénoukoumè HOSSOU, Kolawolé IDJI, Eric HOUNDETE, Charles C. AGNONVI, à Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale et publiée au Journal Officiel.

Ont siégé à Cotonou, les vingt-trois juin et vingt et un juillet deux mille onze,

Messieurs Robert S. M. DOSSOU Président

Bernard Dossou DEGBOE Membre

Théodore HOLO Membre

Zimé Yérima KORA-YAROU Membre

Madame Clémence YIMBERE DANSOU Membre

Monsieur Jacob ZINSOUNON Membre

Le Rapporteur, Professeur Théodore HOLO

 Le Président,

.- Robert S. M. DOSSOU.-

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